L'usage à titre privé des réseaux sociaux par les salariés
A l’époque de l’ultra connexion, l’usage des réseaux sociaux a bouleversé les modèles traditionnels de communication, notamment dans le monde de l’entreprise. Mais dans ces espaces d’information et de partage, s’apparentant à des cafés de commerce virtuels, les cas de dérapage se multiplient. Ils sont à l’origine de procédures disciplinaires engagées à l’égard de salariés auteurs de propos critiques voire injurieux à l’endroit d’un supérieur hiérarchique, d’un collègue ou de manière plus générale, à l’encontre de leur entreprise.
Ces propos peuvent-ils justifier une sanction prise par l’employeur ? Tout dépend du caractère public ou privé des conversations échangées. L’enjeu de qualification est important :
- si les propos sont diffusés sur un espace privé, ils sont protégés par le secret des correspondances de telle sorte qu’ils ne peuvent pas justifier un licenciement disciplinaire ;
- si les propos sont publics, ils sont susceptibles de justifier l’engagement d’une procédure disciplinaire.
Sur le caractère public ou privé, les juges d’appel ont adopté des positions divergentes.
Très récemment, la Cour de cassation a rendu un arrêt très attendu dont il ressort qu’une conversation privée au sein d’un groupe facebook ne justifie pas un licenciement pour faute grave.
Le contexte était le suivant : une salariée, négociatrice immobilière, avait fait l’objet d’un licenciement pour faute grave, après avoir tenu des propos injurieux et humiliants à l’égard de son employeur sur un groupe Facebook intitulé « Extermination des directrices chieuses ».
La Cour de cassation (Cass ; soc., 12 septembre 2018, n° 16-11.690) a approuvé le raisonnement de la Cour d’appel qui avait jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où l’employeur ne rapportait pas la preuve du caractère public des mensonges, dans les termes suivants :
« Mais attendu qu’après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site facebook et qu’ils n’avaient été accessibles qu’à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu’ils relevaient d’une conversation de nature privée, la cour d’appel a pu retenir que ces propos ne caractérisaient pas une faute grave ; qu’exerçant le pouvoir qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le grief ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. »
Force est donc de constater que la Cour de cassation ne pose aucune présomption de caractère public ou privé des réseaux sociaux. C’est au salarié de conférer à ses conversations sur les réseaux sociaux un caractère public ou privé en fonction des paramétrages de confidentialité effectués :
- si le salarié est prudent, prend les mesures nécessaires pour sécuriser son profil et ne s’exprime qu’auprès d’une audience restreinte, ses propos ne pourront en principe pas justifier l’engagement d’une procédure disciplinaire ;
- en revanche, si le salarié ne sécurise pas son profil ou s’exprime au sein de groupes ouverts, il devra en tirer toutes les conséquences en cas d’abus.